Le paradoxe de la baisse de productivité

01.03.2024

Dans le monde occidental, la productivité est en berne et le constat est sans appel : l’augmentation de la production économique par heure de travail, autrement dit la productivité, a fortement diminué au cours des dernières décennies. Ce phénomène inquiète et surprend à la fois.

Il inquiète, car la croissance de la productivité est le moteur de la croissance des revenus réels. Dès lors, la baisse de la productivité implique une marge de manœuvre réduite pour l’augmentation des salaires, et ce dans un contexte social où le débat sur l’augmentation du pouvoir d’achat est devenu central. Pour remédier à cette situation, nous devons adopter sans tarder des mesures visant à stimuler la productivité. Par ailleurs, un autre constat préoccupant réside dans le fait que, face à la diminution de la population active dans le monde, l’absence de croissance de la productivité nous empêchera de répondre à nos nombreux besoins privés ou collectifs en raison du manque de main-d’œuvre. Cette situation transparaît aujourd’hui très clairement dans le débat public, où la pénurie d’infirmières, d’enseignants, de techniciens, etc., fait souvent la une des journaux.

La baisse de la productivité peut également paraître surprenante dans la mesure où sa croissance est principalement associée au progrès technologique. En effet, comme les technologies permettant d’économiser de la main-d’œuvre nous permettent de faire plus avec moins, elles entraînent une croissance de la productivité. Or, c’est précisément pourquoi il est surprenant de constater cet essoufflement : nous sommes tous témoins de la rapidité avec laquelle la technologie évolue sans que cela semble influer positivement sur la productivité. Comment l’expliquer ? Certains chercheurs affirment que c’est avant tout l’impact de la révolution informatique qui est beaucoup plus faible qu’on ne l’espérait. Ils évoquent notamment le coût croissant de la sécurisation de nos systèmes et de nos données, ainsi que le coût de développement des plateformes qui reste élevé. Cela étant, d’autres chercheurs estiment que les technologies ont effectivement le potentiel d’influer grandement sur notre productivité, mais que nous attendons toujours l’avancée qui permettra de relier les différentes pièces d’un puzzle informatique complexe. Aujourd’hui, la grande question est de savoir si les technologies liées à l’IA constituent ce chaînon manquant. Par ailleurs, ces mêmes chercheurs affirment que si le potentiel d’amélioration de la productivité à travers les technologies existe bel et bien, les humains ne l’exploitent pas suffisamment à l’heure actuelle en raison d’un manque d’expérience et de connaissances. À cet égard, ils prennent pour exemple la pandémie de COVID qui nous a rapidement et massivement poussés à télétravailler : le potentiel technologique de ce changement existait déjà, mais il n’avait tout simplement pas été exploité.

Une autre explication est que les technologies ont certes un impact positif sur notre productivité, mais que celui-ci est contrebalancé par d’autres facteurs. Ainsi, beaucoup évoquent l’augmentation constante des obligations administratives, qui, ironiquement, sont également facilitées par l’amélioration des technologies de l’information. Ces obligations administratives croissantes absorbent beaucoup de main-d’œuvre sans contribuer au produit économique des entreprises. Elles agissent donc comme un frein. En outre, on s’aperçoit de plus en plus que toute cette bureaucratie n’est pas vraiment motivante et qu’elle contribue dans une large mesure à la vague croissante d’épuisements professionnels et de perte de sens… Il est donc grand temps d’y remédier pour notre bien-être à la fois économique et social ! Néanmoins, l’explication ultime du paradoxe de la productivité se trouve peut-être dans un tout autre domaine : celui de la politique monétaire. En effet, ceux qui partagent ce point de vue soulignent que ce n’est pas un hasard si la productivité a fortement chuté juste après la crise bancaire sans jamais s’en remettre, car, juste après cette crise, les banques centrales ont lancé leur politique monétaire d’emprunts très bon marché, ce qui a complètement supprimé la nécessité d’être efficace et productif.

En suivant cet ordre d’idées, l’on peut espérer que la normalisation progressive des taux d’intérêt et l’imminence d’une nouvelle percée technologique entraîneront une reprise de croissance de la productivité. Compte tenu du resserrement démographique en cours et de l’ampleur du mécontentement de la population, cet enjeu devrait figurer bien plus haut sur la liste des priorités politiques.

Christophe Van Canneyt – Chief Economist CapitalatWork SA

 

Article publié dans Voka ondernemen

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