Cinq des sept partis du gouvernement fédéral sont favorables à l’introduction d’une “taxe sur les riches” afin de contribuer à freiner la hausse des prix de l’énergie et la flambée de l’inflation, notamment. Mais pour les personnes qu’elle concernerait, cette taxe serait loin d’être équitable.
Un impôt d’un pour cent sur tous les patrimoines supérieurs à un million d’euros: telle est la proposition du président du PS , Paul Magnette. L’objectif ? Donner un coup de pouce solidaire au pouvoir d’achat dans notre pays. Quatre autres partis politiques y sont déjà ouverts ou ont élaboré des propositions similaires visant à accroître la contribution à l’économie des entreprises rentables et des personnes disposant d’un patrimoine important. “Cette proposition témoigne d’un manque de vision à long terme”, déplore Maarten Rooijakkers, administrateur délégué du gestionnaire d’actifs CapitalatWork Foyer Group SA.
“Contrairement à l’idée reçue, détenir un patrimoine fi nancier supérieur à la moyenne n’a rien de honteux. La plupart de ces personnes ont travaillé très dur pour l’accumuler et ont versé des impôts et cotisations substantiels sur ce patrimoine. De plus, de nombreuses mesures ont été prises ces 10 dernières années pour que les personnes fortunées contribuent davantage à l’économie. Pensez à l’augmentation de l’impôt à la source, à la taxe boursière qui ne cesse d’augmenter, à l’impôt sur les valeurs mobilières, à la TVA supplémentaire sur les services de gestion de patrimoine: c’est intenable.”
Mauvaise approche
Non que les personnes aisées ne soient pas disposées à consentir des efforts en faveur de l’économie; beaucoup partagent l’avis que les épaules les plus solides doivent supporter les charges financières les plus lourdes. Ceci étant dit, cet “impôt sur les riches ” va à l’encontre de l’esprit d’entreprise et de l’idée même de réussite financière. “C’est là que le bât blesse”, note Vincent Lambrecht, membre du comité exécutif de CapitalatWork SA. “Nos clients, qui se sentent visés, considèrent qu’il ne s’agit pas d’une taxation équitable, car ils ont déjà supporté une lourde charge fi nancière pour constituer leur patrimoine. Dans la pratique, tout ceci mène à de grandes frustrations. “Si la fiscalité est la solution, pourquoi un pays fortement taxé comme la Belgique n’est-il pas l’État membre le plus riche d’Europe?”, s’interroge Maarten Rooijakkers.
Fuite vers l’étranger
Certains clients de CapitalatWork envisageraient d’émigrer si un impôt sur la fortune était introduit. “Les capitaux et les investissements sont très volatils”, prévient Vincent Lambrecht. “Les responsables politiques devraient réfléchir attentivement à la question de savoir si un impôt sur la fortune ne va pas perturber le climat d’investissement et la sécurité juridique dans notre pays. Une quantité moins élevée d’argent serait injectée dans les entreprises belges et notre économie nationale, ce qui aurait un impact sur le taux d’emploi, entre autres. ” Dans la plupart des cas, CapitalatWork conseille à ses clients de garder le sens des proportions. “Ceux qui veulent émigrer de Belgique à des fins fiscales opteront pour une solution radicale, car dans la pratique, les contribuables doivent aussi être disposés à recommencer leur vie dans un pays étranger.”
Un système fiscal simplifié
Heureusement, les personnes dotées d’un patrimoine important gardent généralement la tête froide. Dans le cadre de ce débat, CapitalatWork plaide en faveur d’un meilleur équilibre fondé sur une simplification complète de l’ensemble du système fiscal. De cette manière, les gains d’efficacité en matière d’administration et de contrôle seront légion. “Si vous supprimez les échappatoires et les petites mesures cumulatives, notre système fiscal deviendra plus clair, plus transparent et plus efficace pour tous ”, indique Maarten Rooijakkers. “Ce qui permettrait d’aboutir à une solution nettement plus équilibrée , durable et équitable . Par exemple via la création d’un impôt forfaitaire où chacun paierait le même taux d’imposition de base, avec un impôt supplémentaire sur la fortune limité. Hélas , les politiques actuels n’ont ni la vision ni le courage de s’y attaquer, et c’est bien regrettable.”
Dans ce contexte, Vincent Lambrecht fait également référence à la taxe sur la spéculation, qui a été introduite à la hâte avant d’être supprimée. “À l’époque, les contribuables devaient s’acquitter de 33% d’impôt sur les plus-values réalisées sur la vente d’actions cotées en Bourse dans les six premiers mois suivant l’achat. Cette taxe a été abandonnée au bout d’une année seulement car le système nécessaire à sa mise en place était plus coûteux que le produit qu’on pouvait en espérer. Le nombre de transactions boursières a diminué de manière significative et , partant , le produit de cet autre impôt sur les actifs mobiliers: la taxe boursière. En fin de compte, la taxe sur la spéculation a entraîné une perte nette de recettes pour le trésor public. ” Selon Vincent Lambrecht, les politiques prennent par ailleurs trop de décisions à l’emporte-pièce. Il préconise au contraire de s’attaquer au système juridique dans son ensemble. “Ce serait une carte de visite plus intéressante à présenter à l’étranger.”
Débat ouvert
Reste à voir si cet impôt sur la fortune sera effectivement introduit dans un avenir proche. Ces dernières années, l’impôt sur la fortune ou sur la plus-value a été souvent évoqué comme une solution au déficit budgétaire. “Cette approche s’inscrit dans une recherche de sources de revenus rapides et, bien entendu, ces mesures bénéficient d’un large soutien au sein de la société”, conclut Maarten Rooijakkers. “Rien de concret n’a toutefois été défi ni à ce stade. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve, mais il faudra de toute façon en discuter de manière approfondie. Nous appelons chacun à mener ce débat de la manière la plus large et la plus équilibrée possible.”
Article publié dans Wealth Magazine